- OPÉRATIONNELLE (RECHERCHE)
- OPÉRATIONNELLE (RECHERCHE)Bien conjecturer a toujours été le principal souci de l’homme; il a rapidement eu conscience des avantages qu’il pouvait tirer de la prévision d’une conjoncture. Les moyens ont évolué, la complexité des problèmes à résoudre est devenue telle qu’il n’est plus possible aujourd’hui de se fier au seul bon sens, bien souvent, du reste, incapable de pouvoir s’exprimer; l’extrême complexité du monde moderne, l’accélération toujours plus grande du rythme de la vie ne permettent plus au responsable de se fier uniquement à ce sens des affaires, gage certain de réussite il y a quelques décennies encore. À l’intuition et à la déduction qualitative doivent se substituer une analyse plus rigoureuse et une expression numérique des faits permettant d’évaluer avec plus d’exactitude la décision à prendre.Ainsi, dans trois domaines au moins, qui sont justement ceux où évoluent avec plus ou moins de bonheur les hommes d’action modernes: le combinatoire, l’aléatoire et la concurrence, la véritable intelligence échappe totalement au sens commun, la détermination d’un choix parmi un très grand nombre de solutions défiant la perspicacité, ou encore l’intervention du hasard dans le contexte d’une décision faisant douter des possiblilités. La recherche opérationnelle propose au responsable un recueil de méthodes et d’algorithmes susceptibles de pallier éventuellement l’insuffisance du bon sens. Mais encore fallait-il que l’homme trouve dans l’ordinateur le complément qui lui était indispensable pour analyser, trier, comparer, calculer les masses d’informations recueillies. Saisir, dans ce monde de l’action flexible et fluctuant une permanence, est affaire à la fois du responsable de l’entreprise et du spécialiste en recherche opérationnelle. Il leur faut savoir établir la fructueuse collaboration permettant de donner de la réalité telle qu’ils la voient une représentation pas trop infidèle. Le responsable ayant une vue précise de l’organisation dont il a la charge possède l’expérience des phénomènes engendrant la situation présente et l’idée qu’il se fait de l’évolution possible définit la validité du modèle que le spécialiste, qui ne connaît de la situation que ce qu’on lui en dit, va s’efforcer de trouver par analogie avec des applications de théories scientifiques faisant partie de l’arsenal de ses connaissances et de son expérience de chercheur. Le modèle, qui n’est en définitive qu’un système abrégé des relations existant entre certains facteurs du phénomène naturel étudié, permet de tirer des conclusions valables pour une décision à prendre dans le cadre des hypothèses formulées par le responsable.La théorie des graphes et la programmation linéaire guident avec sûreté l’analyste dans le labyrinthe des solutions possibles; les statistiques et le calcul des probabilités sont des auxiliaires précieux quand il s’agit d’étudier un phénomène aléatoire dans lequel le hasard intervient dans la détermination d’un choix; enfin, dans les problèmes de concurrence, chaque jour de plus en plus agressive, la théorie des jeux est d’un grand secours.1. Découverte de la recherche opérationnellePlutarque signale, à propos du siège de Syracuse par les Romains, que Hiéron demandait à Archimède «de révoquer un petit la géométrie de la spéculation des choses intellectives à l’action des corporelles et sensibles, et faire que la raison démonstrative fust un peu plus évidente et facile à comprendre au commun peuple, en la meslant par expérience matérielle à l’utilité de l’usage» (Vies des hommes illustres , trad. J. Amyot, 1559). Ainsi découvrait-on déjà, en quelque sorte, trois siècles avant notre ère, l’utilité d’une recherche «opérationnelle».Dès le XVIIe siècle, en France en particulier, les grands «géomètres» Pascal et Fermat s’intéressent au comportement face au hasard; plus tard, en 1713, Jacques Bernoulli évoque dans son Ars conjectandi la théorie des décisions; vers la fin du XVIIIe siècle, Gaspard Monge se signale comme un précurseur des méthodes modernes d’analyse dans une étude systématique d’organisation de travaux, et Condorcet, par une investigation du suffrage universel, détermine les conséquences possibles du vote. Au siècle dernier enfin, Antoine Augustin Cournot dans la brillante publication de ses Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses met avec insistance l’accent sur les modèles de concurrence économique.L’importance de ces études n’est apparue que bien tardivement; il a fallu attendre la Seconde Guerre mondiale pour que, nécessité aidant, leur intérêt soit reconnu et que l’homme fasse appel aux mathématiques.En Angleterre, Patrick M. S. Blackett créait en 1939 le premier groupe de recherche opérationnelle chargé de l’étude des contremesures, exemple rapidement suivi par les armées. Aux États-Unis, parallèlement, l’étude scientifique des problèmes militaires, industriels et économiques était confiée à des groupes de recherche opérationnelle.On connaît les performances de l’étude scientifique des opérations militaires au cours de la Seconde Guerre mondiale. Rapidement mis en éveil par l’efficacité de ces nouvelles méthodes ayant permis un meilleur emploi des armes, une économie en vies humaines et un emploi judicieux des matériels, les milieux industriels se sont demandé si ces méthodes ne pouvaient pas aussi contribuer à une meilleure rentabilité des entreprises. Face aux complications de la vie moderne, la recherche opérationnelle, utilisant des méthodes à fondement scientifique, devenait le précieux auxiliaire de l’homme d’action.2. Les études combinatoiresDans ce contexte déterminé, les éléments nécessaires au calcul des décisions sont connus avec exactitude, à la précision des mesures près éventuellement. La principale difficulté réside dans le très grand nombre de solutions possibles entre lesquelles le choix doit s’exercer pour ne retenir que la plus favorable. Les algorithmes de la théorie des graphes et les techniques de programmation linéaire permettent heureusement une convergence vers la meilleure solution sans avoir à énumérer toutes les possibilités.La théorie des graphesLa théorie des graphes s’introduit avec facilité dans la description de solutions concrètes où existent des combinaisons d’événements ou des successions temporelles (cf. théorie des GRAPHES). Ses algorithmes sont de puissants auxiliaires pour l’analyste. D’abord parce que l’algorithme, prescription détaillée des opérations à réaliser pour obtenir avec certitude la solution d’un type de problème, peut être confié à l’ordinateur; ensuite parce que la manifestation fondamentale de l’organisation chez l’homme étant l’ordre et l’équivalence, il est bien naturel que la théorie des graphes, dont la principale préoccupation est l’étude des relations pouvant exister entre les éléments d’un ensemble, se soit intéressée à ces problèmes.Les algorithmes de la théorie des graphes sont très utiles dans l’ordonnancement d’un travail. Celui dit du chemin critique est à la base d’une technique très en vogue dans les centres de recherche et les entreprises. Il s’agit d’instituer une méthode permettant de définir les «étapes critiques», c’est-à-dire celles dont la réalisation ne doit être retardée sous aucun prétexte faute de quoi l’achèvement de l’ouvrage le serait d’autant. C’est la méthode américaine P.E.R.T. (Program Evaluation and Review Technique ) ou sa variante française des «potentiels»; on peut désirer connaître la date au plus près de l’achèvement d’un ouvrage nécessitant trois opérations A, B et C demandant respectivement 3, 5 et 2 unités de temps. Ce travail comportant les étapes a : début des opérations, b : fin de l’opération A, et c : fin des travaux.L’ordonnancement des opérations est le suivant: l’opération A doit précéder l’opération B, laquelle ne peut être terminée qu’après achèvement complet de l’opération C. Un graphe (cf. figure) met en évidence les opérations à effectuer et les étapes à parcourir de l’origine à la fin des travaux: les arcs indiquent le sens de l’ordonnancement, la valeur portée par chaque arc donne la durée de l’opération correspondante, le chemin critique est le chemin de valeur maximale entre les sommets a et c ; c’est ici le chemin abc , de valeur 3 + 5 = 8. Si l’époque t indique le début des opérations, la date au plus près de l’achèvement des travaux est t + 8, l’étape b est une étape critique . Pour entreprendre l’opération C, on dispose de quelque liberté: on peut attendre 6 unités de temps (intervalle de flottement) les moyens nécessaires à son accomplissement, mais la date t + 6 est une date limite; après cette date, c’est le chemin ac qui deviendrait le chemin critique.Un algorithme permet la détermination du chemin et donc des étapes critiques, ce qui est particulièrement précieux pour les grands travaux, constructions de barrages, d’avions, de bateaux, d’immeubles, de grands ensembles, etc., pour lesquels les graphes comportent souvent plusieurs milliers de sommets. Les graphes offrent bien d’autres possibilités au chercheur et à l’ingénieur, et il faudrait y consacrer de nombreuses pages pour en donner un pâle reflet.La programmation linéaireDans l’étude des problèmes de l’entreprise, les programmes linéaires ont un vaste domaine d’application. Ils sont rapidement devenus des outils efficaces dans les études de gestion, de conditions de travail, de fabrication, de spécifications particulières. Les applications militaires sont nombreuses, les mathématiques pures ou appliquées en font un large usage. Dans de nombreux secteurs de l’économie, leur emploi est maintenant courant: alimentation, chimie, énergie, papeterie, transports, mines, agriculture, etc. Les types de problèmes abordés concernent les plans de production, les affectations de personnel, les distributions et les transports, les communications, les relations, etc. Un chef d’entreprise peut, par exemple, s’efforcer d’atteindre un chiffre d’affaires donné en rendant minimal le coût des fabrications sans dépasser le niveau des investissements autorisés, de la main-d’œuvre et de l’énergie dont il dispose. La programmation linéaire peut aussi s’appliquer en macro-économie, par exemple au niveau de la planification.Mathématiquement, il s’agit de déterminer les valeurs, ou encore les niveaux d’activités de variables, ou activités X1, X2, ..., Xj , ..., Xn , représentant les paramètres du programme, ces valeurs devant satisfaire simultanément à un certain nombre de contraintes relatives aux ressources et, de plus, rendre optimale (maximale ou minimale) une fonction de coûts (fonctionnelle ou fonction objectif). Les contraintes peuvent être de nature très diverse: disponibilités en matière première, en personnel; investissements consentis; capacité de production, de stockage, de transport; frais de transport; longueur de parcours.Selon que les ressources sont homogènes ou non, la programmation linéaire utilise deux méthodes essentielles (cf. PROGRAMMATION LINÉAIRE ET OPTIMISATION): la méthode du simplexe permet, à partir de considérations algébriques, de trouver une solution admissible, c’est-à-dire n’excédant pas les ressources, puis d’améliorer pas à pas cette solution initiale jusqu’à la meilleure solution, optimisant la fontion objectif tout en respectant les limitations de ressources; la méthode des transports donne la façon la moins onéreuse de répartir un produit disponible dans certains centres vers des lieux de destination: on recherche une solution de base satisfaisant l’ensemble des demandes à l’aide de la totalité des disponibilités; puis, compte tenu du coût de transport de chaque centre vers chaque destination, on s’efforce de retoucher le plan de transport pour atteindre progressivement la solution de coût total minimal.La méthode du simplexeOn peut rechercher dans une entreprise les valeurs x j d’un certain nombre d’activités Xj pour j allant de 1 à n , les ressources étant limitées à b 1 pour l’investissement, b 2 pour les frais de stockage, b 3 pour les heures de travail, b 4 pour la consommation d’énergie, et ainsi de suite jusqu’à b m , m 諒 n . En supposant connus, pour chaque activité Xj , l’investissement unitaire a 1j , le coût de stockage unitaire a 2j , le temps de fabrication unitaire a 3j , la consommation unitaire d’énergie a 4j , etc.; après avoir évalué le profit unitaire c j escompté sur chaque activité Xj ; si l’on admet que les effets sont proportionnels aux causes et si l’on cherche à maximiser le profit, le programme linéaire à résoudre s’écrit:F étant à maximiser.Les activités de valeurs négatives, n’ayant aucune signification, ne sont pas à prendre en considération; on peut immédiatement tenir compte des contraintes x j 閭 0, 1 諒 j 諒 n .Dans ces conditions, le programme précédent devient:Le système de m équations linéaires à n + m indéterminées, x i et x n+i , peut se résoudre par les méthodes algébriques classiques. C’est un système d’indétermination d’ordre (n + m ) 漣 m = n . Le mode de résolution consiste à attribuer des valeurs arbitraires à n variables parmi les n + m , puis à résoudre le système. Le choix de m variables parmi n + m peut s’opérer selon Cm n+m possibilités, nombre très grand dès que les valeurs de n et de m dépassent la dizaine. Pour n = 15 et m = 10, il s’agit d’exercer un choix parmi C1025 = 3 268 760 possibilités. Nombre déjà considérable pour les valeurs limitées, alors que les programmes linéaires à traiter dans l’entreprise sont d’une dimension beaucoup plus vaste. Compte tenu de la particularité du programme linéaire, on obtient une solution de départ évidente en donnant aux n premières indéterminées la valeur 0: x j = 0, et aux m suivantes les valeurs x n+i = b i . La fonctionnelle prend à cette étape une valeur nulle, ce qui est déjà intéressant, 0 étant un nombre réel. Le choix d’une nouvelle solution sera guidé par les deux considérations suivantes:– le meilleur accroissement de la fonctionnelle sera obtenu en faisait entrer dans cette solution, avec une valeur non nulle, la variable affectée dans cette fonction du coefficient c j de valeur positive la plus grande; c’est le premier critère de Dantzig;– en contrepartie, puisque l’indétermination du système est d’ordre n , il faut obligatoirement qu’une des indéterminées du groupe x n+i = b i prenne une valeur nulle; le choix de cette indéterminée sera imposé par le fait que les valeurs à attribuer aux variables ne peuvent pas être négatives; c’est le deuxième critère de Dantzig; cette deuxième solution confère évidemment à la fonctionnelle une valeur supérieure à 0.L’algorithme du simplexe peut alors se développer pas à pas, jusqu’à l’obtention de la solution optimale vers laquelle on converge sans avoir à explorer toutes les possibilités, ce qui abrège la procédure de recherche.La méthode des transportsCertaines quantités d’un produit étant disponibles dans des centres d’origine, il s’agit de déterminer le plan de transport entraînant une dépense minimale pour le déplacement vers des lieux de destination capables de traiter certaines quantités de ce produit. Les problèmes posés par cette opération peuvent se résoudre à l’aide du simplexe, mais, la somme des quantités disponibles étant égale à la somme des quantités pouvant être traitées, on lui préfère une méthode tenant compte de cette égalité.Les programmes linéaires pour des solutions d’actualité peuvent faire intervenir les aléas du futur pour des problèmes à échéance plus ou moins lointaine; c’est la programmation dynamique, qui s’intéresse à l’évolution dans le temps d’un système économique. Le responsable à certaines époques peut avoir le libre choix entre plusieurs décisions, à d’autres époques le hasard peut intervenir dans son choix sous la forme d’un phénomène aléatoire, et il s’agit de déterminer, dans l’ensemble des décisions possibles, un cheminement assurant la plus grande chance de succès.3. Les choix aléatoiresCaractère des problèmes aléatoiresDans le domaine des choix aléatoires, il n’est plus possible d’évaluer avec certitude les éléments nécessaires au calcul des conséquences des décisions possibles. Ces éléments oscillent autour d’une valeur moyenne. C’est par le jeu des répétitions statistiques qu’on peut étudier la façon dont se répartissent ces fluctuations [cf. STATISTIQUE].La difficulté tient au fait que les conséquences des décisions ne s’expriment plus sous la forme d’un nombre , mais d’une distribution de fréquences . On doit alors comparer différentes distributions pour choisir la meilleure décision. Ces distributions peuvent heureusement se résumer par leurs paramètres; en général, la moyenne et la variance suffisent. La moyenne donne la valeur sur laquelle se situe la distribution, et la variance permet d’apprécier les fluctuations autour de cette moyenne. Ces renseignements seraient de bien piètre utilité si les mathématiciens n’avaient pas donné aux praticiens l’outil du calcul des probabilités. Mais un pont reste à franchir entre l’observation des répétitions d’un phénomène, qui est un souci de la statistique descriptive, et la théorie des probabilités, riche en lois, en formules, en tables et en abaques susceptibles de fournir les solutions de nombreux problèmes, à la seule condition qu’on se soit assuré au préalable qu’il n’est pas déraisonnable de supposer que les répétitions observées sont bien le reflet de telle loi de la théorie des probabilités: c’est l’objet de la statistique mathématique et des tests d’hypothèses.Rationnel et raisonnable à la fois, l’analyste est alors à même de donner une solution acceptable aux problèmes aléatoires de l’entreprise.De nombreux problèmes de gestion se classent dans cette catégorie; le hasard intervenant dans le contexte d’un choix, il s’agit en général de trouver le meilleur compromis entre deux phénomènes antagonistes.Les phénomènes d’attenteLes goulets d’étranglement proviennent de l’impossibilité d’exiger la rentabilité d’un service individuel. Il faut alors se résigner à partager ce service avec d’autres clients et s’armer bien souvent de patience dans les files d’attente. Dans une file d’attente, les arrivées des clients à des stations où ils viennent demander un service s’opèrent d’une façon aléatoire; la durée du service est elle-même en partie gouvernée par le hasard. On cherche à établir un compromis entre le temps perdu par les clients du fait de l’attente et la multiplication des stations de service qui ne fonctionnent pas gratuitement.L’analyste, observant d’une part la répétition des entrées et d’autre part celle des services, en déduit le nombre moyen d’entrées ainsi que le nombre moyen de services par unité de temps. Sachant que bien souvent un phénomène tel que celui des entrées de la clientèle est régi par une loi de Poisson et celui des services par une loi exponentielle, il s’assure de la vraisemblance de ces hypothèses en soumettant le résultat de ses observations à un test statistique (test de 﨑2 ou de Pearson). Si le résultat de ce test n’est pas défavorable, un modèle de file d’attente est rigoureusement établi à l’aide du calcul des probabilités, et l’analyste n’a plus qu’à en utiliser les résultats.Il peut, dans le cas d’ouvriers et de magasiniers par exemple, minimiser le coût supporté du fait de l’attente des clients dans la file et de l’inoccupation de certaines stations pour un meilleur profit de l’entreprise.Entretien préventif et renouvellement des équipementsLa fiabilité, qui est l’étude de la résistance des matériels aux pannes, est une partie importante de la recherche opérationnelle [cf. FIABILITÉ]. L’entretien préventif (c’est-à-dire, par exemple, le changement d’une pièce avant que cette pièce soit hors d’usage) permet de réduire les conséquences d’une panne pour des matériels d’usure. L’usure, présentant un caractère aléatoire, oblige à prévoir le renouvellement des équipements si on veut les maintenir en service permanent. On recherche dans ce cas le meilleur taux de réapprovisionnement. Ce taux dépend de la loi d’usure qu’on s’efforcera de définir statistiquement par l’observation des équipements gérés. Un taux de service trop élevé limite les risques d’arrêt intempestif, mais il augmente les frais d’entretien et de stockage. Or, ce taux n’est pas constant, ce qui est une nouvelle cause de souci pour le gestionnaire qui recherchera, par un entretien préventif, le meilleur compromis entre le sacrifice qu’entraîne le remplacement d’un matériel incomplètement usé et les conséquences d’une panne.Pour un équipement comportant une pièce fragile, la fonction de survie de la pièce donne la probabilité de son fonctionnement à l’époque t . Si l’on attend la défaillance pour procéder au remplacement de la pièce usée, on subit avec certitude toutes les conséquences d’une mise hors de service de l’équipement. Si, au contraire, on décide de remplacer systématiquement la pièce fragile à l’occasion des heures d’entretien de l’équipement dès que la pièce a atteint un âge , âge qui est justement à déterminer, on ne subira le coût de la panne qu’avec une probabilité réduite, la panne n’étant pas certaine.Évaluant les coûts moyens des deux décisions possibles, on calcule en fonction de et à l’aide de la fonction de survie le minimum du coût relatif à l’entretien préventif. Si ce coût est inférieur au coût de la première décision, la valeur de obtenue donne l’âge à partir duquel on a tout intérêt à effectuer le remplacement.Gestion scientifique des stocksDans les problèmes de stocks, les demandes de la clientèle ne pouvant être exactement connues ni en date, ni en quantité, et le réapprovisionnement n’étant pas instantané, on s’efforce, devant ces phénomènes aléatoires, de se prémunir contre deux risques: celui d’une rupture de stock , cause d’un manque à la vente pénalisé par un coût de pénurie qu’entraîne obligatoirement une commande trop faible; et celui d’un surstock , cause d’une immobilisation d’un capital et d’un coût de stockage sans utilité, conséquence d’une commande trop élevée.L’observation du phénomène permet d’estimer au mieux la demande moyenne de la clientèle (détermination d’un modèle par l’étude des séries chronologiques) ainsi que son aléa, c’est-à-dire l’ampleur des fluctuations (étude statistique de la distribution des fréquences de la demande). On détermine ensuite, en limitant les risques selon les possibilités ou le désir du gestionnaire (fixation du taux de service, c’est-à-dire du pourcentage des demandes qui seront en moyenne honorées), la commande destinée à satisfaire non seulement la demande moyenne estimée, mais encore une partie du supplément éventuel dû aux fluctuations et susceptible de se manifester (stock de sécurité), ainsi que les règles de déclenchement des commandes successives.4. Stratégies en situation de concurrenceLa caractéristique des problèmes de concurrenceDans l’univers de la concurrence, l’aléatoire et le combinatoire se rejoignent; de plus, les éléments nécessaires au calcul des conséquences des décisions possibles ne peuvent plus être évalués ni par un nombre certain, ni par une distribution statistique.Il faut savoir abandonner la prétention d’une détermination strictement objective des facteurs entrant dans l’évaluation du choix. La théorie des jeux est, dans ce domaine, d’un grand secours (cf. théorie des JEUX). On peut sommairement classer ces problèmes en deux catégories: les jeux contre la nature et les jeux à deux personnes [cf. HASARD]. L’espérance mathématique sera largement mise à contribution.Les jeux contre la natureImaginons un compétiteur se trouvant en présence de situations naturelles et hésitant entre plusieurs décisions à prendre. Supposons, par exemple, trois décisions envisagées, d 1, d 2 et d 3, contre trois éventualités possibles, e 1, e 2 et e 3. Pour guider son choix, celui qui décide doit s’efforcer d’apprécier le gain, ou éventuellement la perte, r ij , que lui vaut la simultanéité de la décision d i devant l’éventualité e j ; il ne peut pour cela se fier qu’à son jugement fondé sur la connaissance des faits; il détermine ainsi la matrice des utilités M = (r ij ). Il lui faut ensuite définir un critère de décision, et cela va dépendre de ses possibilités du moment; il peut être optimiste, et il accepte le risque, ou prudent, car il a peut-être des raisons de se méfier de la nature: c’est le critère de Wald et von Neumann, lequel, supposant que la nature nous oppose toujours l’éventualité qui nous est le plus défavorable, incite le joueur à la prudence. Dans le premier cas, le joueur prendra la décision correspondant au maximum des maximums de ses décisions et, dans le second cas, celle relative au maximum des minimums; il limite alors les risques de perte.Selon Laplace, on peut supposer que, pour des phénomènes naturels sur lesquels on a peu de renseignements, sinon aucune information, il est raisonnable de considérer les éventualités comme équiprobables et de retenir la décision à laquelle est attachée l’espérance mathématique maximale. Par exemple, si la matrice des utilités est:les espérances mathématiques sont respectivement:l’espérance mathématique la plus forte correspond à la décision d 3.Dans certains cas, une appréciation du phénomène étant déjà un peu moins floue, on peut se croire autorisé à attribuer aux éventualités une gamme de coefficients de vraisemblance , c’est-à-dire une distribution subjective de probabilités: p 1, p 2 et p 3, par exemple, pour e 1, e 2 et e 3. On retiendra à nouveau la décision à laquelle correspond l’espérance mathématique la plus élevée.D’autres critères de décision sont utilisables, celui de Savage en particulier, qui s’efforce de tenir compte du regret attaché à l’abandon volontaire de décisions, certes susceptibles d’entraîner des pertes, mais aussi des possibilités de gain important. Ces différents critères, à fondement souvent subjectif, peuvent conduire à des choix totalement différents; c’est ce qui distingue ce dernier volet de la recherche opérationnelle des deux précédents dans lesquels la décision s’impose en toute objectivité.Les jeux à deux personnesSupposons maintenant que l’incertitude ne provienne plus de la nature des choses, mais de l’existence d’une volonté antagoniste.Remplaçons la nature par un concurrent N disposant librement des décisions e 1, e 2 et e 3 de telle sorte que les résultats qu’il peut escompter sont justement les valeurs opposées des gains du premier joueur (jeu à somme nulle). Par hypothèse, nous supposerons les joueurs prudents (utilisation du critère de Wald, ce qui est bien normal quand on a à se défendre contre un adversaire) et intelligents; cela signifie que le raisonnement d’un des joueurs peut aussi être tenu par l’autre. Pour un jeu en un coup, la tactique à adopter par chaque joueur est la suivante: pour D, jouer le maximin (maximum des minimums) et pour N, jouer le minimax (minimum des maximums), puisqu’il se trouve dans la situation opposée à celle de D. Par exemple, si l’on reprend pour matrice des gains de D la matrice:pour D jouer le maximin, ici 漣 1, correspond à la décision d 2 et pour N jouer le minimax, ici 3, correspond à la décision e 1.Ces choix sont peut-être décevants, mais ils ne sont guère susceptibles d’amélioration. Par exemple, N, qui est intelligent et qui sait donc que D va choisir d 2 peut être tenté de prendre e 3 à la place de e 1 pour espérer gagner 1 au lieu de perdre 3; il est, certes, intelligent, mais aussi imprudent; car D, procédant de la même finesse d’esprit, peut alors prendre la décision d 1 à la place de la décision d 2 et ainsi s’assurer un gain de 5 au lieu d’une perte de 1. Il se peut que le minimax et le maximin coïncident, auquel cas, assurément, les joueurs n’ont aucun intérêt à s’écarter de cette valeur, de ce point d’équilibre du jeu.Émile Borel puis John von Neumann et Oskar Morgenstern se sont efforcés de généraliser le jeu précédent par la recherche d’une stratégie mixte qui consiste à calculer la fréquence avec laquelle on doit opposer chaque décision, ou stratégie pure , à l’adversaire dans un jeu à plusieurs coups. Ce problème conduit à la résolution d’un programme linéaire.C’est par des considérations de ce genre qu’un chef d’entreprise s’installant sur un marché peut étudier, face à la concurrence, les résultats des variations des prix de vente d’un produit et définir une politique d’action.5. Responsable et analyste dans la prise de décisionSi la recherche scientifique débouche sur une notion de loi, la recherche opérationnelle, abordant des phénomènes très complexes dans lesquels il faut étudier l’interaction de nombreuses grandeurs, a recours à un modèle pour simplifier et schématiser la réalité. L’approche expérimentale est difficile; il n’est pas possible de faire des expériences en vraie grandeur, et l’homme intervient par sa décision. L’analyste dispose, pour ces modèles de situations complexes, des méthodes de simulation lui permettant de juger de l’opportunité ou de la validité de ses hypothèses quand un modèle analytique ne peut pas être élaboré [cf. SIMULATION]. Ces méthodes «consistent essentiellement à réaliser, par des moyens artificiels, des expériences sur les phénomènes économiques» (R. Faure). Grâce à elles, le responsable peut à son tour mettre en évidence, à partir de données comptables et techniques, les résultats de politiques nouvelles.Les cadres de l’entreprise peuvent aussi être initiés ou confirmés dans de nouvelles fonctions ou retrouver plus facilement leur place dans une nouvelle organisation.Un problème n’ayant de sens en recherche opérationnelle que si l’on connaît la fonction à optimiser, le choix du critère dans l’évaluation d’une décision est primordial. La définition de cette fonction incombe par conséquent au responsable.L’analyste peut toujours proposer, à celui qui fait appel à son concours, une éventuelle paramétrisation mettant en évidence les conséquences de certaines solutions possibles. Il doit insister sur le danger que peut présenter l’application de la recherche opérationnelle à des aspects fragmentaires de l’entreprise qui risque, si l’on néglige les interactions d’autres compartiments, de perturber l’équilibre de l’ensemble, mais il n’a pas à se soucier de la conduite du responsable qui, maître de ses décisions, doit savoir en accepter les conséquences.
Encyclopédie Universelle. 2012.